Sujet n°6 – Comportements à risque chez l’adolescent
Sujet n°6
Comportements à risque adolescents : causes, symbolique et prises en charge thérapeutiques possibles

N’hésitez pas à compléter ce travail avec vos propres recherches en commentaire.
Détails sur le travail
Specifications
Points évoqués
Adolescence
Développement cérébral
Facteurs biologiques, psychologiques, sociaux
Influence des pairs
Attachement insécure
Traumatismes infantiles
Estime de soi
Plasticité cérébrale
Influence des réseaux sociaux
Rites de passage
Recherche identitaire
Rébellion
Sensation seeking (recherche de sensations fortes)
Appartenance sociale
Transgression
Validation sociale
Quête de reconnaissance
Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
Prévention des risques
Transition développementale
Psychodynamique
Régulation émotionnelle
Résilience
Thérapie des schémas
Groupes de pairs
Programmes de sensibilisation en milieu scolaire
Note d'introduction
Cette recherche a été rédigée en juin 2024, et j’espère que le résultat vous intéressera. Bonne lecture !
Quand le désir d’appartenance se heurte au besoin d’émancipation, le risque devient une passerelle vers l’âge adulte. Entre transgression et affirmation de soi, ces conduites résonnent parfois comme des cris silencieux, oscillant entre quête de reconnaissance et peur de ne pas exister.
Prélude
Comprendre l’adolescence, c’est accepter qu’aucune vérité absolue ne puisse en saisir l’essence. Ce texte n’a donc pas vocation à figer une réalité, mais à en explorer les nuances à travers le prisme de la psychanalyse, de la sociologie et des sciences du développement.
Les comportements à risque, souvent perçus comme de simples écarts ou manifestations d’opposition, sont ici envisagés comme des marqueurs d’une transition identitaire, des réponses aux tensions entre désir d’appartenance et quête d’individuation. Ce travail s’appuie sur des corpus théoriques variés – neurosciences, psychologie clinique, anthropologie – dans une démarche qui se veut aussi analytique qu’humaine.
Loin de toute tentative de catégorisation rigide, il s’agit d’une lecture parmi d’autres, un dialogue entre disciplines et regards croisés pour mieux appréhender cette période à la fois fragile et fondatrice.
Vos remarques sont les bienvenues en commentaire en fin d’article.
Table des matières
Introduction
L’adolescence est une période charnière de la vie qui se caractérise par des transformations profondes sur les plans biologique, psychologique et socioculturel. Ces changements, souvent accélérés et intenses, façonnent les comportements et les interactions sociales des ados, les confrontant à de nouveaux défis. Dans ce contexte, les possibilités de comportements à risque sont légions, qu’il s’agisse de consommation de substances, de prises de décisions impulsives ou d’expériences transgressives. Loin d’être de simples déviances, ces comportements traduisent des dynamiques complexes mêlant quête identitaire, affirmation de soi et réponse aux pressions environnementales.
Ce que je souhaite présenter ici sont mes recherches quant à ces conduites, sous une triple perspective. D’abord, en identifiant les causes sous-jacentes – qu’elles soient biologiques, psychologiques, familiales ou socioculturelles – pour mieux comprendre les mécanismes qui les engendrent. Ensuite, en analysant leur symbolique : ces actes peuvent être perçus comme des moyens de communication implicites ou des rites de passage marquant la transition vers l’âge adulte. Enfin, en proposant des approches thérapeutiques adaptées, alliant interventions cognitives, familiales et communautaires, pour soutenir ces jeunes dans leur développement.
Ayant une approche intégrative, je chercherai à amener une perspective bio-psycho-sociale, visant à relier les dimensions scientifiques et humaines des comportements à risque pour offrir des pistes concrètes de compréhension et d’accompagnement. Ma réflexion s’appuiera sur une analyse transversale, tenant compte de l’interaction entre les spécificités neurobiologiques de l’adolescence, les enjeux identitaires et les influences contextuelles, afin de répondre aux besoins complexes d’une période aussi fascinante que vulnérable.
I. Causes des comportements à risque
Les comportements à risque chez les adolescents sont le fruit d’interactions complexes entre les transformations biologiques, les remaniements psychologiques et les influences sociales et familiales. Ces facteurs, loin d’agir isolément, se combinent et se renforcent, créant des conduites qui traduisent à la fois les vulnérabilités et les potentialités propres à cette période de transition. Dans cette première partie, je vous proposerai d’explorer ces différentes dimensions, en éclairant les mécanismes qui en conditionnent l’expression.
1.1 Causes biologiques
Les comportements à risque chez les adolescents trouvent en partie leurs origines dans des particularités biologiques liées à une maturation cérébrale inégale. Durant cette période, le cortex préfrontal, responsable de la prise de décision, du contrôle des impulsions et de la régulation émotionnelle, reste immature. En parallèle, le système limbique, siège des émotions et des pulsions, connaît une activité exacerbée.[1] Cette asymétrie neurobiologique favorise une impulsivité accrue et une recherche de sensations fortes. Selon des résumés des travaux traduits en français que j’ai pu lire de l’auteur Laurence Steinberg (Age of Opportunity), cette configuration est renforcée par une suractivation des circuits dopaminergiques, rendant les adolescents particulièrement sensibles aux récompenses immédiates et peu enclins à anticiper les conséquences à long terme. De la même manière que pour l’auteur précédent, j’ai pu découvrir les travaux de Sarah-Jayne Blakemore (Inventing Ourselves), qui complète cette analyse en soulignant que cette hypersensibilité du système limbique est accentuée par des facteurs environnementaux, tels que l’influence des pairs et les contextes sociaux valorisant la prise de risque.
Sur le plan psychodynamique, l’adolescence est également marquée par un remaniement identitaire profond. Les imagos parentaux – ces représentations inconscientes de figures idéalisées ou ambivalentes, comme le père ou la mère – jouent un rôle important dans ce processus. Elles influencent la façon dont l’adolescent redéfinit son identité et réévalue son rapport aux figures d’autorité. Selon moi, les travaux de Lacan sur le stade du miroir (concernant les enfants de 6 à 18 mois), pourrait être utilisés / revisités pour parler de cette période où le jeune est confronté à l’image qu’il perçoit dans le regard des autres, et à celle qu’il a de lui-même. Cette confrontation génère souvent une « schize » ou division interne, entre son désir d’émancipation et sa dépendance persistante aux figures parentales et sociales.[2]
Les concepts freudiens de Moi Idéal et d’Idéal du Moi apportent un éclairage supplémentaire. Le Moi Idéal, issu des identifications primaires, incarne une aspiration narcissique liée à une période de toute-puissance infantile. En revanche, l’Idéal du Moi, façonné par les identifications secondaires – parents, modèles sociaux et culturels – représente une figure idéale à atteindre. À l’adolescence, ces deux instances entrent souvent en conflit, créant un tiraillement entre le besoin de perfection et la crainte de l’échec. Ce déséquilibre peut conduire à des comportements compensatoires, comme les prises de risque, qui permettent à l’adolescent d’explorer ses limites tout en cherchant à affirmer son identité face à ces idéaux contradictoires.[3]
Les transformations corporelles de la puberté amplifient également ces tensions identitaires. L’apparition du désir sexuel et des caractères sexuels secondaires confronte l’adolescent à une altérité incarnée dans le regard de l’autre, essentiel à la construction de son estime de soi. Comme l’évoque mon analyse sur la passion amoureuse (devoir n°2 de première année), l’idéalisation de soi ou de l’autre, souvent inconsciente, agit ici comme un mécanisme défensif face aux manques perçus dans l’Idéal du Moi. Ces idéalisations, bien qu’illusoires, participent à la construction du Moi unifié en permettant des projections et des ajustements dans les relations interpersonnelles.
Enfin, le processus d’individuation, tel que décrit par Jung et revisité dans une perspective contemporaine, joue un rôle fondamental. Ce processus permet à l’adolescent de se positionner comme un être unique, tout en intégrant les influences parentales et culturelles dans une structure psychique cohérente. L’individuation est un équilibre délicat entre autonomie et interdépendance, un chemin semé de conflits mais aussi riche en possibilités de développement. Elle traduit une quête constante pour trouver un sens à soi-même et à sa place dans le monde, tout en apprenant à transformer les héritages parentaux pour les faire siens.[4]
Ainsi, comprendre les comportements à risque à l’adolescence nécessite une articulation fine entre dimensions biologiques, psychodynamiques et socioculturelles. Ces comportements, qu’ils soient destructeurs ou créatifs, reflètent à la fois des transformations cérébrales et un travail complexe de négociation identitaire.
[1] Cours de Thérapie Cognitivo-Comportemental sur les addictions au tabac (Auteurs : Rodolphe Oppenheimer, Dr. Eric Malbos).
[2] Cours n°10 – 1A – Psychopathologie – David Faure – L’adolescence
[3] Ecrit n°2 – Kevin Madegard – Moi Idéal et Idéal du Moi dans la passion amoureuse.
[4] Cours n°23 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – L’individuation
1.2 Causes psychologiques *
L’adolescence est une période de remaniement identitaire, souvent vécue comme une transition complexe entre l’enfance et l’âge adulte. Ce moment charnière est marqué par une quête de sens où le jeune cherche à définir qui il est, où il va et quelle est sa place dans le monde. Cette quête, teintée d’incertitude, peut se traduire par des comportements à risque, qui servent de réponses aux tensions internes ou aux pressions externes. Philippe Jeammet (Adolescents : le défi des relations) souligne que ces comportements, parfois auto-destructeurs, traduisent souvent une souffrance silencieuse et une difficulté à concilier aspirations personnelles et attentes extérieures.
Sur le plan psychologique, ces comportements peuvent être compris comme des tentatives d’exprimer ou de résoudre des conflits internes. Par exemple, un adolescent soumis à une pression constante pour « réussir » selon les standards parentaux ou sociétaux peut se tourner vers des conduites transgressives pour affirmer son indépendance ou défier ces normes. Comme l’indique notre cours de métapsychologie sur l’individuation, cette période est marquée par un besoin d’autonomie et d’affirmation de soi, mais aussi par des mécanismes de défense tels que le déni ou la projection, qui permettent de gérer des émotions difficiles.
Les relations interpersonnelles jouent également un rôle central. L’influence des pairs agit comme un catalyseur, amplifiant les comportements impulsifs ou transgressifs. Par exemple, un adolescent peut s’engager dans des conduites risquées, telles que la consommation d’alcool ou des défis dangereux, pour s’intégrer dans un groupe ou gagner en reconnaissance sociale. Parallèlement, les relations avec les figures parentales, souvent marquées par une alternance entre dépendance et rejet, nourrissent des conflits émotionnels. Ces tensions reflètent une difficulté à négocier les nouvelles attentes sociales et familiales sans compromettre le besoin d’autonomie.
Trêve de théorie, et imaginons un exemple concret qui illustrerait bien ces dynamiques : une adolescente peut se sentir tiraillée entre son besoin de s’émanciper et son attachement persistant à ses parents. Pour affirmer son indépendance, elle décide de fréquenter un groupe valorisant des comportements risqués. Ces actions, bien que perçues comme des affirmations de liberté, traduisent en réalité une tentative de résoudre des tensions entre ses propres aspirations et les attentes parentales, souvent intériorisées sous forme de normes conflictuelles.
Enfin, les concepts de Moi Idéal et d’Idéal du Moi continuent de jouer un rôle important dans cette période. Le conflit entre ces deux instances – entre un idéal inatteignable et une réalité perçue comme insuffisante – peut alimenter un sentiment d’échec ou de frustration. Ce tiraillement explique comment les adolescents oscillent entre des idéalisations et des actes impulsifs, qui deviennent des moyens d’explorer leurs limites ou de surmonter leurs insatisfactions.[1]
En somme, les causes psychologiques des comportements à risque à l’adolescence reflètent une interaction complexe entre conflits internes, pressions sociales et besoins relationnels. Ces comportements, souvent mal compris, ne sont pas de simples actes de rébellion mais des réponses symboliques à des tensions identitaires et émotionnelles, où l’adolescent cherche à négocier son rôle dans un monde perçu comme incertain.
* Cours n°23 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – L’individuation
[1] Cours n°9 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – Moi Idéal et idéal du Moi
1.3 Causes socioculturelles
Les comportements à risque chez les adolescents s’inscrivent également dans un contexte socioculturel marqué par des normes changeantes, des influences des pairs et une exposition accrue aux réseaux sociaux. Cette période de construction identitaire est fortement influencée par des attentes sociales implicites et explicites, qui façonnent les comportements, parfois de manière contradictoire. Selon ce que j’ai pu lire des travaux de David Le Breton (Adolescence et conduites à risque), ces actes peuvent être autant des moyens de se conformer à des modèles valorisés que de rejeter des normes jugées oppressantes.
Les réseaux sociaux jouent un rôle particulièrement important dans cette dynamique. Ces plateformes numériques exploitent les mécanismes dopaminergiques du cerveau (comme le souligne Archibald D. Hart dans son ouvrage Thrilled to Death[1]) amplifiant la quête de validation sociale et la comparaison constante avec autrui. Les adolescents, en quête de reconnaissance, y construisent souvent une « identité imaginaire »[2]. Cette identité, façonnée par des avatars et des projections idéalisées, reflète une tension entre idéalisation et agressivité. Elle exacerbe également des pressions liées à l’apparence physique, à la réussite sociale et à l’approbation des pairs.
Pour compléter le paragraphe précédent concernant les réseaux sociaux, les transformations culturelles contemporaines comme la montée en puissance des influenceurs et la valorisation de l’immédiateté, favorisent une approche axée sur le court terme et la gratification instantanée. Cela accentue l’utilisation des dits réseaux sociaux, non seulement comme vitrines identitaires, mais aussi comme espaces de comparaison et de compétition, où les comportements extrêmes sont parfois récompensés par une validation numérique (likes, partages).
Au-delà du virtuel, les interactions sociales concrètes et la dynamique de groupe participent aussi largement à l’émergence de comportements risqués. À cet âge, l’adolescent se tourne souvent vers ses pairs comme source principale de validation et d’identification. Ces relations, bien que formatrices, peuvent aussi accentuer une tendance à la conformité, notamment à travers des défis ou des transgressions perçues comme des rites de passage. Ces comportements traduisent une expérimentation des rôles sociaux – leader, soumis, exclu – qui participe à la construction de l’identité tout en répondant au besoin d’appartenance.
Suite aux interactions sociétales, il peut être utile de parler des attentes sociétales. En effet, l’adolescent se trouve confronté à des injonctions souvent contradictoires : réussir scolairement tout en cultivant une identité unique et authentique, répondre aux attentes familiales tout en s’intégrant à un groupe de pairs. Ces pressions peuvent conduire à des conduites à risque comme moyens de négociation entre ces attentes et leurs propres aspirations. L’attrait pour la transgression, bien que risqué, devient alors un outil d’affirmation et de gestion des tensions identitaires.
En somme, les causes socioculturelles des comportements à risque chez les adolescents reflètent une interaction complexe entre influences numériques, pressions des pairs et attentes sociétales. Ces facteurs, bien qu’enrichissants par leur diversité, renforcent souvent l’anxiété sociale et les dynamiques de comparaison, rendant les adolescents vulnérables à des comportements impulsifs ou auto-destructeurs.
[1] Hart, Archibald D. Thrilled to Death : How the Endless Pursuit of pleasure is leaving is Numb, ed : Thomas Nelson, 2007.
[2] Cours n°7 – 1A – Psychopathologie – David Faure – Développement affectif des 12-16 ans
1.4 Causes familiales
La famille joue évidemment un rôle central dans le développement de l’adolescent et dans la survenue éventuelle de comportements à risque. Les dynamiques familiales, qu’elles soient conscientes ou inconscientes, influencent fortement l’identité et les choix comportementaux ados. Les mécanismes d’attachement, les transmissions transgénérationnelles et les scénarios narcissiques parentaux[1] constituent des facteurs à garder en mémoire.
[1] Cours n°20 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – Les scénarios narcissique de la parentalité
1.4.1 L’attachement parental :
La qualité de l’attachement entre parent et enfant, tel que théorisé par Bowlby, impacte le développement émotionnel et relationnel des adolescents. Un attachement sécurisant, caractérisé par une base stable et un soutien affectif, favorise une exploration saine de l’environnement. En revanche, un attachement insécurisant – évitant, ambivalent ou désorganisé – peut engendrer des difficultés de régulation émotionnelle, accentuant la vulnérabilité aux comportements à risque.
Des études indiquent que la qualité de l’attachement parental est liée à l’engagement des adolescents dans des comportements déviants. Une relation d’attachement de faible qualité, marquée par un soutien parental insuffisant, est associée à diverses difficultés développementales [1].
[1] Cairn.info – Titre : Pratiques parentales et comportements déviants à l’adolescence –
Lien web : https://shs.cairn.info/revue-enfance1-2001-4-page-379?lang=fr&utm_source=chatgpt.com
1.4.2 Les transmissions transgénérationnelles :
Boris Cyrulnik, dans Un merveilleux malheur, met en lumière l’importance des transmissions transgénérationnelles dans les dynamiques familiales. Les traumatismes non résolus des parents, souvent intériorisés et répercutés inconsciemment, peuvent conditionner les attentes envers leurs enfants.[1]
Cela peut pousser l’adolescent à adopter des comportements à risque pour répondre à ces injonctions non verbalisées.
[1] Cairn.info – Titre : La transmission transgénérationnelle des traumatismes et de la souffrance non dite –
Lien web : https://shs.cairn.info/revue-therapie-familiale-2006-3-page-229?lang=fr&utm_source=chatgpt.com
1.4.3 Les scénarios narcissiques parentaux :
Freud décrit les enfants comme porteurs d’une « mission narcissique » pour leurs parents : ils incarnent souvent les rêves et les ambitions non réalisés de ces derniers. Cette mission, bien qu’inconsciente, place l’enfant dans une position ambiguë, à la fois valorisée et instrumentalisée, ce qui peut peser lourdement sur son développement psychologique.
Selon Manzano, Palacio Espasa et Zilkha[1] (Les scénarios narcissiques de la parentalité), ces projections parentales prennent plusieurs formes, qui influencent directement l’identité de l’enfant et son rapport à lui-même. Les parents projettent souvent sur leurs enfants leurs aspirations inachevées, leurs blessures narcissiques ou leurs propres conflits œdipiens. Ces projections assignent à l’enfant / l’ado des rôles précis, parfois opposés, qui peuvent engendrer des tensions internes et des comportements à risque. J’ai noté trois « modes » d’investissement que j’ai trouvé particulièrement intéressant :
- L’enfant idéal : L’enfant est investi du rôle de « réalisateur de rêves ». Il est attendu qu’il réussisse là où le parent a échoué ou qu’il incarne une image parfaite. Cette pression peut provoquer une anxiété de performance ou, à l’inverse, une rébellion face à des attentes ressenties comme écrasantes.
- L’enfant défaillant : Dans certains cas, l’enfant devient le support des frustrations ou des échecs du parent. Ce dernier peut projeter sur lui une image de dévalorisation ou d’insuffisance, générant chez l’enfant des comportements auto-destructeurs pour correspondre à cette image ou s’en libérer.
- L’enfant bouc émissaire : Lorsque les conflits internes des parents ne trouvent pas d’issue, ils peuvent être externalisés sur l’enfant, qui devient un réceptacle des tensions familiales. Cela peut engendrer chez l’adolescent un sentiment d’exclusion ou de colère, renforçant sa tendance à des conduites transgressives.
Ces dynamiques peuvent aussi s’exprimer à travers une fusion émotionnelle entre le parent et l’enfant. Dans cette configuration, le parent empêche inconsciemment l’enfant de se séparer psychiquement, le maintenant dans une dépendance affective. Cette absence de différenciation entrave le développement de l’autonomie et peut pousser l’adolescent à des comportements d’opposition violents ou auto-destructeurs pour affirmer son individualité.
Enfin, l’ouvrage souligne l’importance de la dimension œdipienne dans ces scénarios. Les parents rejouent souvent leurs propres conflits œdipiens non résolus à travers leur relation avec leurs enfants. Par exemple, un parent qui a vécu des tensions dans son rapport à ses propres figures parentales peut inconsciemment reproduire ces dynamiques conflictuelles avec son enfant, renforçant un climat de tension et d’instabilité émotionnelle.
Ces scénarios narcissiques parentaux créent un environnement psychologique complexe pour l’adolescent, marqué par des attentes implicites contradictoires et des injonctions inconscientes. En réponse, l’adolescent peut adopter des comportements à risque pour :
- se libérer des projections parentales ;
- exprimer une souffrance qu’il ne peut verbaliser ;
- affirmer son individualité face à des attentes jugées oppressantes.
[1] Livre : « Les scénarios narcissiques de la parentalité » – Edition Puf – Manzano, Palacio Espasa et Zilkha.
1.4.4 Les dynamiques familiales dysfonctionnelles :
Les comportements des parents, tels qu’un excès ou un manque d’autorité, reflètent souvent leur propre équilibre psychique. Selon Freud, la sévérité du surmoi parental influence directement l’éducation. Un parent autoritaire, projetant ses propres frustrations, peut exacerber les conflits familiaux et encourager une rébellion.
À l’inverse, un parent trop permissif, par une défaillance de l’autorité, peut laisser l’adolescent sans repères, le poussant à explorer ses limites via des conduites risquées.
1.4.5 Exemple fictif illustratif :
Julien, 17 ans, fils unique d’un père qui projette sur lui son ambition inachevée de devenir médecin. Julien, bien qu’encouragé à exceller dans ses études, ressent une pression constante et un manque de reconnaissance de ses propres aspirations artistiques. Face à cette tension, il adopte des comportements transgressifs – tels que des sorties nocturnes excessives ou la consommation d’alcool – pour s’échapper de ce rôle qu’il perçoit comme un enfermement.
1.5 Synthèse bio-psycho-sociale
Les comportements à risque chez les adolescents s’inscrivent dans une dynamique complexe, issue d’une interaction constante entre les dimensions biologique, psychologique, sociale et familiale. Le modèle bio-psycho-social, popularisé par Franz Alexander[1], constitue un cadre d’analyse intéressant pour comprendre ces comportements. Ce modèle met en évidence que la santé et les comportements humains résultent d’interactions étroites entre le corps, l’esprit et l’environnement social. Il permet ainsi de saisir les comportements à risque comme des réponses adaptatives ou symptomatiques face aux tensions de l’adolescence, révélant une articulation fine entre vulnérabilités individuelles et influences contextuelles.
Loin d’être de simples actes de rébellion, ils traduisent une interaction complexe entre biologie, psychologie, société et famille. Le modèle bio-psycho-social met en lumière ces interconnexions et invite à une approche interdisciplinaire pour comprendre et accompagner ces jeunes dans une période aussi vulnérable qu’essentielle à leur développement.
Intégrant neurosciences, psychologie et sociologie, ce modèle offre des clés pour décoder ces conduites comme des expressions symboliques de tensions identitaires et relationnelles, mais aussi comme des tentatives de s’adapter à un environnement perçu comme incertain et exigeant.
[1] Mémoire et soutenance – 2A – Kevin Madegard – La psychosomatique
II. Symbolique des comportements à risque
Quand on parle de conduites à risque chez les adolescents, elles ne sont pas de simples réactions impulsives : elles traduisent des messages symboliques, qu’il s’agisse d’une quête identitaire, d’un besoin de reconnaissance ou d’une tentative de gestion d’angoisses non verbalisées.
Ces comportements jouent ainsi un rôle de médiation entre le psychisme individuel et le contexte social, en matérialisant les tensions entre l’autonomie, l’appartenance et les attentes extérieures. Leur étude nécessite d’adopter une perspective anthropologique et psychologique pour comprendre leur fonction dans la transition adolescente.
2.1 Les rites de passage
Pour cette partie, je me suis inspiré des travaux d’Arnold van Gennep (Les rites de passage) et David Le Breton (Adolescence et conduites à risque).
Concernant les travaux de Van Gennep, on peut comprendre que ces comportements peuvent être compris comme des étapes symboliques marquant le passage de l’enfance à l’âge adulte. En adoptant des conduites transgressives, les adolescents explorent des rôles sociaux nouveaux et testent les limites imposées par leur environnement.
Ces gestes, souvent spectaculaires, traduisent un besoin de différenciation vis-à-vis des figures parentales tout en affirmant leur appartenance au groupe des pairs. Comme le souligne David Le Breton, ils représentent des « symboles universels » d’une quête identitaire. Dans un contexte contemporain, ces rites prennent parfois des formes modernes, comme les défis numériques ou les publications sur les réseaux sociaux, qui symbolisent une acceptation par le groupe.
2.2 Recherche identitaire et affirmation de soi
Il est à considérer le conflit entre le besoin d’autonomie et le désir d’appartenance, l’adolescent cherchant à se définir par rapport à lui-même et aux autres.
Dans sa théorie des étapes psychosociales, Erik Erikson identifie ce processus comme un conflit entre identité et confusion des rôles. La pression des pairs et les attentes contradictoires de la société amplifient cette tension, encourageant des gestes qui servent à affirmer une place unique dans un cadre social parfois oppressant. Comme le souligne Winnicott, certains comportements transgressifs peuvent également être interprétés comme des « gestes de créativité », marquant une tentative de construire un vrai self dans un contexte de tension identitaire.
2.3 La classe sociale et ses influences symboliques
Les normes, les attentes et les représentations varient selon le milieu socio-économique, influençant la manière dont ces conduites sont perçues et vécues, tant par les adolescents eux-mêmes que par leur entourage.
Dans les milieux défavorisés, les comportements transgressifs peuvent symboliser une forme de résistance face à un environnement perçu comme hostile ou inégalitaire. Ces conduites traduisent souvent une tentative de revendication identitaire et d’affirmation de soi dans un contexte marqué par des contraintes matérielles et sociales. À l’inverse, dans les milieux favorisés, ces comportements peuvent apparaître comme une exploration des limites personnelles, une quête de sensations fortes ou une manière de défier les attentes élevées imposées par le cadre familial et scolaire.
David Le Breton souligne que ces conduites, bien qu’universelles, revêtent des significations spécifiques en fonction du capital culturel, social et économique. Elles participent ainsi à la construction de l’identité individuelle tout en reflétant les tensions propres à chaque milieu social.
2.4 Communication implicite et messages non verbaux
Pour conclure cette seconde partie sur la symbolique de ces comportements, on pourrait considérer leur fonctionnement comme des messages non verbaux, exprimant un malaise ou une détresse. Loin d’être uniquement destructifs, ils traduisent parfois une tentative d’atteindre une reconnaissance ou une compréhension de la part des adultes ou des pairs.
Les réseaux sociaux jouent ici un rôle amplificateur, en offrant une vitrine constante pour ces expressions symboliques. Les publications, défis et interactions numériques deviennent autant de moyens d’explorer les identités tout en cherchant une validation sociale. Ces espaces numériques servent également de support pour gérer des angoisses non verbalisées, renforçant le double rôle de ces comportements : appel à l’aide et quête d’appartenance.
III. Prises en charge thérapeutiques possibles
Qui dit comportements à origines multifactorielles sous-entend la nécessité d’une approche thérapeutique efficace devant tenir compte des dimensions biologiques, psychologiques, sociales et familiales tout en s’appuyant sur une compréhension approfondie de leur symbolique. Ainsi, les prises en charge doivent être globales, intégratives et personnalisées, impliquant une collaboration étroite entre thérapeutes, familles, éducateurs et communautés.
3.1 Approche intégrative
L’approche intégrative repose sur une vision systémique du développement adolescent, tenant compte des interactions entre les dimensions biologique, psychologique, sociale et familiale. J’ai parcouru internet pour trouver des inspirations concernant cette partie. À travers plusieurs sites tel que cairn.info ou ceux contenant des articles de recherches, j’ai découvert les travaux en anglais d’Urie Bronfenbrenner (Ecological Systems Theory). En les traduisant en français, j’ai pu constater qu’elle mettait en avant une approche mettant l’accent sur les multiples niveaux d’influence – de l’individu à la société – qui façonnent les comportements à risque.
Selon Bronfenbrenner, le développement humain est influencé par des systèmes imbriqués :
- Microsystème : La famille, les amis proches et l’école, où les interactions directes jouent un rôle fondamental.
- Mésosystème : Les connexions entre ces microsystèmes, comme la communication entre parents et enseignants.
- Exosystème : Les contextes sociaux ou professionnels qui influencent indirectement l’adolescent, comme le statut socio-économique de la famille.
- Macrosystème : Les normes culturelles et les idéologies qui définissent les attentes envers les adolescents.
En mobilisant cette perspective, l’approche intégrative cherche à coordonner des interventions à plusieurs niveaux, depuis le soutien familial jusqu’aux initiatives communautaires, afin de réduire les tensions et renforcer les facteurs de résilience.
Exemple :
Considérant que les exemples permettent une approche plus concrète que théorique, je vais imaginer ici le cas d’un adolescent qui présenterait des comportements impulsifs. Ce qui pourrait lui être proposé serait donc :
- Un travail individuel sur la régulation émotionnelle (microsystème).
- Un renforcement des interactions familiales via une thérapie systémique (mésosystème).
- Un soutien scolaire pour alléger la pression académique (exosystème).
- Une sensibilisation aux normes culturelles valorisant la réussite immédiate (macrosystème).
Laurence Steinberg, dans Adolescence, renforce cette vision en soulignant l’importance de l’interaction entre maturation biologique et contexte social dans les comportements à risque. Il met en avant le rôle critique du système limbique et du cortex préfrontal dans l’impulsivité et la recherche de récompenses, tout en insistant sur l’influence des environnements sociaux valorisant la prise de risque.
3.2 Approche individuelle
Les interventions individuelles ciblent directement les comportements eux-mêmes, ainsi que leurs causes sous-jacentes, en proposant un espace thérapeutique adapté aux besoins spécifiques de chaque adolescent. Elles s’appuient sur des cadres théoriques solides, tels que ceux d’Aaron T. Beck et Jeffrey Young, pour offrir des outils efficaces dans la gestion des émotions, des pensées et des conflits internes.
3.2.1 Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
Comme je suis actuellement un cursus TCC au sein de l’EFPP, c’est un plaisir pour moi de présenter cette partie. La Thérapie Cognitivo-Comportementale a été développée par Aaron T. Beck. Celle-ci est particulièrement efficace pour travailler sur les schémas de pensée dysfonctionnels qui sous-tendent les comportements à risque. Cette approche repose sur l’identification et la restructuration des pensées automatiques négatives, souvent liées à des croyances fondamentales inadéquates, comme :
- « Je dois prendre des risques pour être accepté(e). »
- « Mes échecs définissent qui je suis. »
Par exemple, un adolescent sujet à des comportements impulsifs liés à une faible estime de soi peut apprendre, grâce à la TCC, à :
- Reconnaître ses biais cognitifs (exemple : généralisation ou catastrophisme).
- Remplacer ces schémas par des pensées plus rationnelles et constructives.
- Adopter des stratégies comportementales alternatives, comme la résolution de problèmes ou des exercices de pleine conscience pour mieux gérer les impulsions.
3.2.2 Thérapie des schémas
Créée par Jeffrey Young, la thérapie des schémas s’inscrit dans une continuité avec la TCC tout en approfondissant les problématiques liées aux blessures précoces et aux schémas inadaptés développés durant l’enfance. Les adolescents présentant des comportements à risque peuvent être influencés par des schémas activés dans des situations spécifiques, tels que :
- Abandon : Sentiment d’être abandonné ou rejeté par les figures parentales.
- Carence affective : Perception que leurs besoins émotionnels fondamentaux (amour, sécurité) ne sont pas comblés.
- Soumission : Adopter des comportements risqués pour répondre aux attentes des autres.
Dans ce cadre, la thérapie vise à :
- Identifier les schémas activés dans les situations de risque.
- Comprendre leur origine (souvent liée aux relations précoces avec les figures parentales).
- Modifier ces schémas à travers des exercices pratiques (imagerie mentale, dialogues internes).
3.2.3 Pleine conscience et thérapies psychocorporelles
En complément des approches cognitives, les techniques de pleine conscience (mindfulness) ou psychocorporelles offrent des outils pour reconnecter les adolescents à leur corps et à leurs émotions. Ces approches sont particulièrement adaptées aux jeunes ayant des difficultés à verbaliser leurs ressentis ou à réguler leur stress. En TCC, nous apprenons par exemple la respiration vagale, qui permet de lutter physiologiquement contre les effets de l’anxiété grâce à la stimulation du nerf vague.
3.2.4 Exemple clinique fictif :
Emma, 16 ans, engage des conduites risquées en soirée (consommation d’alcool, défis physiques) pour se sentir valorisée dans son groupe d’amis. Lors d’une thérapie TCC, elle identifie une pensée automatique récurrente :
« Si je ne prends pas de risques, je ne serai jamais acceptée. »
En travaillant sur cette croyance et en adoptant des stratégies alternatives (comme exprimer ses besoins sans transgression), elle parvient progressivement à réduire ses comportements à risque tout en renforçant sa confiance en elle.
3.3 Approche familiale
Les dynamiques familiales complexes peuvent engendrer les comportements dont nous parlons depuis le début. Une intervention thérapeutique centrée sur la famille permettrait d’explorer ces interactions et de promouvoir des relations plus saines et équilibrées. Cette approche repose sur des cadres théoriques bien établis, comme ceux développés par Satir, Brazelton et Greenspan.
3.3.1 Thérapie systémique familiale (Virginia Satir)
En discutant avec les collègues de promotion, il a été évoqué Satir. Cette personne est une figure centrale de la thérapie familiale, insistant sur l’importance de la communication ouverte et authentique entre les membres d’une famille. Elle identifie cinq modes de communication dysfonctionnels (comme le placage ou la dévalorisation) qui peuvent exacerber les tensions au sein d’un foyer.
Dans le contexte des comportements à risque :
- Un adolescent dont les besoins émotionnels sont ignorés peut adopter des conduites transgressives pour attirer l’attention ou exprimer son mal-être.
- Une intervention systémique vise à créer un espace où chaque membre de la famille peut s’exprimer sans jugement, renforçant la compréhension mutuelle et réduisant les comportements conflictuels.
Satir souligne également l’importance de renforcer l’estime de soi des membres de la famille, en particulier celle de l’adolescent, en valorisant ses forces et ses efforts.
3.3.2 Les besoins irréductibles des enfants (Brazelton et Greenspan)
Dans The Irreducible Needs of Children, Brazelton et Greenspan décrivent huit besoins fondamentaux pour le développement sain d’un enfant, tels que :
- Des relations affectives stables et sécurisantes.
- Une protection physique et émotionnelle.
- Une discipline adaptée, respectant l’autonomie de l’enfant.
Ces principes s’appliquent directement aux adolescents en quête de repères et de soutien. Une thérapie familiale basée sur ces besoins vise à :
- Identifier les lacunes dans la satisfaction de ces besoins (par exemple, un manque de stabilité émotionnelle ou des attentes parentales incohérentes).
- Réintroduire un cadre familial structurant et bienveillant, permettant à l’adolescent de se sentir en sécurité tout en explorant son autonomie.
3.3.3 Soutien parental et guidance éducative
J’ai eu la chance d’effectuer l’un de mes stages dans un cabinet proposant de la guidance parentale. Voici donc de quoi il s’agit : dans un cadre thérapeutique, les parents sont accompagnés pour mieux comprendre les besoins spécifiques de l’adolescence et adapter leur style éducatif. On y parle :
- De l’importance d’un équilibre entre autorité et soutien affectif.
- D’aider les parents à poser des limites claires tout en maintenant une attitude empathique face aux difficultés de leur enfant.
3.3.4 Exemple clinique fictif :
Thomas, 15 ans, adopte des comportements à risque répétés (fugues, provocations en classe) dans un contexte familial marqué par des attentes parentales contradictoires. Lors d’une thérapie familiale systémique, il exprime pour la première fois son sentiment d’être constamment comparé à son frère aîné, favorisé par ses parents. En travaillant sur une communication plus ouverte et un cadre éducatif adapté, les parents apprennent à reconnaître les besoins individuels de Thomas, ce qui contribue à réduire ses conduites transgressives.
3.4 Approche groupale
Les interventions groupales offrent aux adolescents un espace structuré pour explorer et expérimenter des dynamiques sociales dans un cadre sécurisé. Ces approches s’appuient sur des concepts fondamentaux comme la théorie de l’apprentissage social d’Albert Bandura et les travaux de Daniel Siegel sur le cerveau social.
3.4.1 Théorie de l’apprentissage social (Albert Bandura)
Albert Bandura souligne que les comportements humains, y compris ceux à risque, sont largement influencés par l’observation et l’imitation des autres. Dans un contexte de thérapie groupale, cette dynamique peut être mobilisée pour encourager l’apprentissage de comportements prosociaux.
- Observation et modèles positifs : Dans un groupe thérapeutique, les adolescents peuvent observer et imiter des comportements sains exprimés par leurs pairs ou par l’animateur du groupe. Par exemple, un adolescent impulsif peut apprendre des stratégies d’autorégulation en voyant un autre membre du groupe gérer un conflit de manière constructive.
- Renforcement social : Les interactions positives au sein du groupe, telles que la reconnaissance des progrès ou le soutien mutuel, renforcent les comportements adaptés.
3.4.2 Le cerveau social et les interactions groupales (Daniel Siegel)
Daniel Siegel, dans ses travaux sur le cerveau adolescent (Brainstorm), explique que les interactions sociales jouent un rôle crucial dans le développement des réseaux neuronaux liés à la régulation émotionnelle et à l’empathie. Les groupes thérapeutiques, en favorisant les échanges interpersonnels, peuvent :
- Stimuler la maturation des connexions entre le cortex préfrontal et le système limbique, renforçant ainsi le contrôle des impulsions.
- Offrir un cadre pour développer l’empathie et les compétences sociales, qui sont souvent fragiles chez les adolescents adoptant des comportements à risque.
3.4.3 Types d’interventions groupales :
- Groupes de parole entre pairs :
Ces groupes permettent aux adolescents de partager leurs expériences, de recevoir du soutien et de normaliser leurs difficultés. Ils offrent également une opportunité d’observer et de modeler des comportements positifs.
- Groupes à médiation artistique ou sportive :
L’EFPP propose une formation en musicothérapie et art-thérapie. La majeure partie des propositions ci-après en seront largement inspirées.
Les objectifs de cette pratique sont les suivants :
- L’art ou la musique sert de médiateur pour exprimer des émotions difficiles à verbaliser.
- Les activités sportives renforcent les compétences de coopération, de gestion de la frustration et de respect des règles.
- Programmes de compétences sociales et émotionnelles :
Basés sur l’apprentissage socio-émotionnel, ces programmes aident les adolescents à identifier et à réguler leurs émotions, à résoudre des conflits et à établir des relations positives.
3.4.4 Exemple clinique fictif :
Léa, 14 ans, participe à un groupe artistique thérapeutique où les adolescents travaillent ensembles sur des projets de peinture. En observant ses pairs exprimer leurs émotions à travers l’art, Léa découvre une manière de gérer son anxiété sociale et commence à verbaliser ses ressentis. Cette expérience lui permet de mieux comprendre ses propres émotions et de renforcer sa confiance en elle dans un cadre social.
3.5 Approche communautaire
Les environnements communautaires jouent un rôle important dans la prévention et la prise en charge des comportements à risque chez les adolescents. Ces approches mobilisent des ressources locales – écoles, associations, groupes sportifs ou culturels – pour offrir des alternatives constructives à la transgression et favoriser l’intégration sociale. Les travaux d’Howard Gardner et de Norbert Elias apportent des éclairages intéressants pour concevoir des interventions adaptées aux besoins et aux contextes variés des adolescents.
3.5.1 Intelligences multiples et interventions éducatives (Howard Gardner)
Howard Gardner, dans sa théorie des intelligences multiples, souligne que chaque individu possède différentes formes d’intelligence (logique-mathématique, verbale, musicale, kinesthésique, interpersonnelle, etc.). Les programmes communautaires peuvent tirer parti de cette diversité pour concevoir des interventions engageantes et personnalisées. Cela reprendra des aspects de l’art-thérapie ou la musicothérapie.
- Activités artistiques et sportives :
Un adolescent présentant une intelligence kinesthésique dominante pourrait bénéficier d’un programme sportif ou d’une activité manuelle, tandis qu’un jeune ayant une intelligence musicale trouvera dans la musique un moyen d’expression et de valorisation personnelle.
- Programmes éducatifs différenciés :
En tenant compte des intelligences multiples, les ateliers communautaires (par exemple, des sessions de résolution de problèmes en groupe ou des projets créatifs) renforcent l’engagement des adolescents et réduisent leur attrait pour des comportements à risque.
3.5.2 Socialisation et intégration (Norbert Elias)
Norbert Elias, dans ses travaux sur la civilisation et les processus de socialisation, met en lumière l’importance des structures communautaires dans la construction identitaire et la gestion des tensions sociales. Selon lui, l’intégration dans des groupes sociaux structurés (clubs, associations) offre :
- Un espace de régulation des pulsions : En participant à des activités collectives, les adolescents apprennent à respecter des normes et à modérer leurs comportements impulsifs.
- Un sentiment d’appartenance : L’intégration dans une communauté renforce leur estime de soi et réduit leur isolement, souvent à l’origine des comportements à risque.
Certaines applications comme Knock ou Meetup permettent des rencontrent amicales, facilitant une adhésion à des groupes organisant des soirée polyglottes par exemple.
3.5.3 Types d’interventions communautaires :
- Ateliers éducatifs et de sensibilisation :
- Ces ateliers abordent des thèmes comme la gestion des émotions, la prévention des addictions ou l’utilisation des réseaux sociaux.
- Inspirés par Gardner, ils s’adaptent aux formes d’intelligence prédominantes des participants pour maximiser leur impact.
- Programmes artistiques et culturels :
- Les projets collectifs (théâtre, peinture murale, concerts) permettent aux adolescents d’explorer leur créativité tout en développant des compétences sociales.
- Clubs sportifs et associatifs :
- En mobilisant la théorie d’Elias, ces espaces offrent des cadres structurés pour expérimenter des dynamiques sociales positives et renforcer l’intégration.
- Initiatives intergénérationnelles :
- Des programmes réunissant adolescents et adultes (mentorat, activités communautaires) favorisent des échanges enrichissants et réduisent les tensions intergénérationnelles.
3.5.4 Exemple clinique fictif :
Lucas, 16 ans, se sent isolé et manque de repères après avoir changé de ville. Sa participation à un atelier de théâtre communautaire lui permet de développer son intelligence interpersonnelle et de nouer des amitiés solides. À travers les exercices de mise en scène, il apprend également à mieux comprendre et exprimer ses émotions, ce qui réduit progressivement ses comportements impulsifs.
Conclusion
Les comportements à risque chez les adolescents, loin d’être de simples actes impulsifs ou rebelles, reflètent des dynamiques complexes et multidimensionnelles. En combinant des causes biologiques (immaturité cérébrale, hyperactivation dopaminergique), psychologiques (conflits intrapsychiques, quête identitaire) et socioculturelles (pression des pairs, normes numériques), ils traduisent une tentative de négociation face aux défis de cette période de transition.
Cette analyse met en lumière la nécessité d’une lecture symbolique de ces conduites. Les comportements transgressifs peuvent être compris comme des rites de passage modernes, des moyens de communication implicite ou encore des réponses adaptatives face à des tensions identitaires. En adoptant une perspective bio-psycho-sociale, il devient possible de décoder ces actes comme des expressions à la fois de vulnérabilité et de potentiel, où l’adolescent explore ses limites tout en cherchant une validation personnelle et sociale.
Pour répondre à cette complexité, les prises en charge thérapeutiques doivent être globales et interconnectées. Une approche intégrative, inspirée des théories de Bronfenbrenner, Steinberg et Elias, permet d’agir simultanément sur les dimensions individuelles, familiales et communautaires. La thérapie cognitivo-comportementale (Beck), la thérapie des schémas (Young), et les interventions systémiques (Satir) offrent des outils pratiques pour répondre aux besoins spécifiques des adolescents. Ces approches, combinées à des initiatives éducatives et culturelles, favorisent une régulation émotionnelle durable et une reconstruction identitaire saine.
En somme, comprendre et accompagner les adolescents dans leurs comportements à risque exige une articulation entre sciences humaines et pratiques thérapeutiques. Cette période fascinante, mais vulnérable, nous invite à repenser nos cadres d’intervention pour répondre aux enjeux contemporains. C’est en reconnaissant les adolescents comme des êtres en devenir, porteurs de richesses et de défis, que nous pourrons les soutenir efficacement dans leur cheminement vers l’âge adulte.
Bibliographie
Partie 1 : Causes des comportements à risque
Cours TCC – Rodolphe Oppenheimer et Dr. Éric Malbos – Addiction au tabac.
Cours n°7 – 1A – Psychopathologie – David Faure – Développement affectif des 12-16 ans
Cours n°9 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – Moi Idéal et idéal du Moi
Cours n°10 – Psychopathologie – David Faure – L’adolescence.
Cours n°23 – 1A – Métapsychologie – Hervé Madet – L’individuation
Manzano, J., Palacio Espasa, F., & Zilkha, N. (2002). Les scénarios narcissiques de la parentalité. Paris : Presses Universitaires de France.
(Projections parentales et impacts sur l’identité de l’enfant).
Laurence Steinberg, Age of Opportunity: Lessons from the New Science of Adolescence, 2014.
(Neurosciences et psychologie de l’adolescence).
Sarah-Jayne Blakemore, Inventing Ourselves: The Secret Life of the Teenage Brain, 2018.
(Maturation cérébrale et impulsivité).
Philippe Jeammet, Adolescents : le défi des relations, 2007.
(Relations sociales et souffrance silencieuse).
Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur, 1999.
(Attachement et résilience).
Partie 2 : Symbolique des comportements à risque
David Le Breton, Adolescence et conduites à risque, 2007.
(Symbolique des transgressions).
Arnold van Gennep, Les rites de passage, 1909.
(Transition sociale et adolescence).
Erik Erikson, Enfance et société, 1950.
(Théorie des étapes psychosociales).
Partie 3 : Prises en charge thérapeutiques possibles
3.1 Approche intégrative
Urie Bronfenbrenner, The Ecology of Human Development, 1979.
(Théorie des systèmes écologiques).
Laurence Steinberg, Adolescence, 2011.
(Perspectives interdisciplinaires sur l’adolescence).
3.2 Approche individuelle
Aaron T. Beck, La thérapie cognitive des troubles émotionnels, 1976.
(TCC et restructuration cognitive).
Jeffrey Young, Schema Therapy: A Practitioner’s Guide, 2003.
(Thérapie des schémas pour des adolescents à risque).
3.3 Approche familiale
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(Thérapie systémique et communication familiale).
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(Besoins fondamentaux pour un développement familial sain).
3.4 Approche groupale
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Daniel J. Siegel, Brainstorm: The Power and Purpose of the Teenage Brain, 2013.
(Cerveau social et interactions groupales).
3.5 Approche communautaire
Howard Gardner, Les intelligences multiples : la théorie en action, 1983.
(Intelligences multiples et interventions éducatives).
Norbert Elias, La civilisation des mœurs, 1939.
(Rôle des normes sociales dans la régulation comportementale).
Auteurs cités
Laurence Steinberg (1952)
Psychologue spécialisé en neurosciences de l’adolescence. Connu pour ses recherches sur la prise de risque et la régulation émotionnelle chez les jeunes.
Sarah-Jayne Blakemore (1974)
Neuroscientifique britannique. Travaux sur la maturation cérébrale et la prise de décision.
Philippe Jeammet (1948)
Psychiatre et psychanalyste français, expert des relations intergénérationnelles.
David Le Breton (1953)
Anthropologue français, spécialiste des conduites à risque.
Arnold van Gennep (1873-1957)
Ethnologue et anthropologue français, théoricien des rites de passage.
Erik Erikson (1902-1994)
Psychanalyste germano-américain, père des étapes psychosociales.
Aaron T. Beck (1921-2021)
Psychiatre américain, fondateur de la thérapie cognitivo-comportementale.
Jeffrey Young (1950)
Psychologue américain, créateur de la thérapie des schémas.
Virginia Satir (1916-1988)
Thérapeute familiale américaine, pionnière des approches systémiques.
Berry Brazelton & Stanley I. Greenspan
Experts en développement infantile.
Albert Bandura (1925-2021)
Psychologue, connu pour la théorie de l’apprentissage social.
Daniel J. Siegel (1957)
Psychiatre, spécialisé en neurosciences interpersonnelles.
Howard Gardner (1943)
Psychologue, auteur de la théorie des intelligences multiples.
Norbert Elias (1897-1990)
Sociologue allemand, connu pour ses travaux sur les normes sociales.
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